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Le cinéma allemand de 1918 à 1933

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1. Du Docteur Caligari à M, le maudit

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Au lendemain de la première guerre mondiale, alors que l’Allemagne humiliée et ruinée fait face à une situation économique et sociale dramatique, le cinéma allemand échappe à cet état général. Les spectateurs, peut-être pour oublier un quotidien déprimant, affluent nombreux dans les salles et l’industrie cinématographique allemande est florissante.

 Entre l’avènement de la République de Weimar fin 1918 et l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, le cinéma allemand va connaître une période d’explosion créative et de prospérité économique exceptionnelle. En 1922, les salles sont déjà plus nombreuses qu’avant-guerre et les studios de Babelsberg, à Postdam, non loin de Berlin, s’imposent comme les plus modernes d’Europe et attirent des réalisateurs étrangers. La puissante société UFA (Universum Film AG), sous la direction d’Erich Pommer, se développe considérablement et permet à une nouvelle génération de cinéastes dont Fritz Lang et Friedrich Wilhelm Murnau, parmi d’autres, d’exprimer leur talent et de signer des chefs-d’oeuvre du septième art.

Une extraordinaire diversité

 Jusqu’en 1933 et l’accession des nazis au pouvoir, films d’auteur, films à sujets sociaux, films de genres, œuvres expérimentales vont ainsi cohabiter. La censure abolie dès novembre 1918, le cinéma s’empare de sujets jusque-là tabous et notamment liés à la sexualité. Richard Oswald signe ainsi des films dits « d’éclaircissement » (Aufklärunffilme) dont Différent des autres (1919) sur le thème de l’homosexualité. Parallèlement fleurissent aventures, notamment des films de montagne lancés par Arnold Fanck, et comédies populaires telles que Le Chemin du paradis (1930) de Wilhelm Thiele, l’un des premiers succès du cinéma parlant.

Les débuts d’Ernst Lubitsch
L’Allemagne va en quelque sorte redorer son blason sur le plan international grâce au cinéma. Et Hollywood ne s’y trompe pas. Sans attendre, des ponts d’or sont faits à des réalisateurs comme Ernst Lubitsch, remarqué grâce à deux superproductions en costumes, Madame Du Barry (1919) et Anne Boleyn (1920), tous deux avec Emil Jannings, le futur professeur Unrath de L’Ange bleu. Sous le titre Passion, le premier restera d’ailleurs à l’affiche plusieurs mois à New York. Lubitsch signe également des comédies dont La Poupée (1919), un conte très inventif, La Princesse aux huîtres (1919), où il tourne en dérision les nouveaux riches, ou encore La Chatte des montagnes, (1921) une satire du militarisme. En 1922, Lubitsch choisira de poursuivre sa brillante carrière outre-Atlantique.
2. Caligari et l'expressionnisme

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À sa sortie, en 1920, Le Cabinet Dr Caligari de Robert Wiene est accueilli comme le premier film expressionniste. Il restera l’œuvre la plus emblématique de ce courant cinématographique. Avec ses décors biscornus signés par trois peintres, Walter Reimann, Walter Röhrig et Hermann Warm, avec ses ombres et ses lumières soulignant une architecture oppressante, avec le jeu appuyé de ses comédiens, le film crée l’événement. Son récit cauchemardesque met en scène un personnage qui commet des meurtres sous hypnose et la multiplicité des narrateurs invite à une interrogation sur la limite entre la raison et la folie, doublée d’une réflexion sur le pouvoir.

Un mouvement d'avant-garde

 Entre les années 1910 et le milieu des années 1920 à peu près, le label d’expressionnisme s’applique aux avant-gardes picturales, littéraires ou théâtrales allemandes et l’adjectif « expressionniste » recouvre des tendances diverses. Il est souvent associé à un style caractérisé par une distorsion de la représentation. Il ne s’agit plus de décalquer la réalité mais d’aller à l’essentiel par des choix formels radicaux. Pour certains, ce traitement stylisé du réel renvoie à une conception critique de l’ordre établi et à un rejet d’un certain conformisme en art.

 L’expressionnisme au cinéma va se manifester principalement dans des décors et des éclairages très travaillés. Si son influence irrigue un certain nombre de films, à part Le Cabinet du Dr Caligari, peu de titres sont reconnus comme véritablement expressionnistes. Parmi les œuvres dont la réalisation revendique l’expressionnisme à travers les thèmes aussi bien que le jeu des acteurs, les costumes, les décors, citons De l’aube à minuit, Le Cabinet des figures de cire et Genuine que Robert Wiene réalisa après avoir signé Caligari. Adapté d’une pièce, De l’aube à minuit de Karl-Heinz Martin (1920), suit le parcours d’un caissier de banque qui dérobe de l’argent dans l’espoir changer sa vie monotone. Ses choix de mise en scène déconcertèrent tellement à l’époque qu’il ne connut pas vraiment d’exploitation commerciale. Le Cabinet des figures de cire (1924) de Paul Leni, où l’on retrouve Conrad Veidt et Werner Krauss, deux des interprètes de Caligari, apporte une touche d’humour dans un univers fantastique peuplé de personnages inquiétants.

 Bien d’autres films vont être rattachés à l’expressionnisme à un titre ou à un autre : Les Trois lumières ou Les Nibelungen de Fritz Lang, Nosferatu de Murnau… Par ses décors, Le Golem (1920), réalisé par Paul Wegener et Carl Boese, a souvent été rattaché à l’expressionnisme, même si Paul Wegener réfutait avoir voulu s’inscrire dans ce courant. Le scénario de cette oeuvre marquante du début des années 20 s’inspire d’une légende du folklore juif : un rabbin crée une gigantesque statue de glaise, le Golem, mais la créature va se détourner de sa mission pacifique initiale et répandre la terreur. Un thème cher à la littérature fantastique, rappelant celui de Frankenstein.
3. Friedrich Wilhelm Murnau

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En 1911, à l’âge de 23 ans, Friedrich Wilhelm Plumpe, décide d’abandonner ses études de philologie et d’histoire de l’art pour se consacrer au théâtre. Face à l’incompréhension de sa famille devant ce choix, il change son nom pour Murnau, en souvenir d’une petite ville de Bavière, où aimaient séjourner des peintres. Le jeune comédien joue aussi bien dans des pièces classiques que dans des œuvres contemporaines. Après avoir participé à la première guerre mondiale, Murnau entame une carrière de réalisateur de cinéma en 1919. Très tôt, il montre un goût manifeste à brouiller les frontières entre le rêve et la réalité. Parmi ses premiers films figure notamment Le Crime du docteur Warren (Der Januskopf), une adaptation du roman de Robert Louis Stevenson, Dr Jeckyll et Mr Hyde.

"Murnau a porté le cinéma muet à son point de perfection" (Chaplin)

 En 1922, son Nosferatu lui assure la notoriété internationale. Tourné dans plusieurs villes d’Allemagne du nord comme Lübeck, Wismar et Rostock, le film fait la part belle aux extérieurs, et marque une date dans l’histoire du cinéma fantastique. Après plusieurs réalisations, dont une comédie : Les Finances du grand duc, Murnau signe en 1924 un nouveau chef-d’œuvre Le Dernier des hommes. Il y raconte la tragédie d’un portier d’hôtel humilié par son directeur qui l’affecte à un autre poste et le prive de son uniforme. Murnau confie le rôle de cet homme brisé au comédien Emil Jannings et relève le défi artistique de relater son histoire avec le moins d’intertitres possible et en s’appuyant sur une écriture visuelle particulièrement dynamique. Karl Freund, son directeur de la photo, et lui affranchissent la caméra de son pied et s’ingénient à la rendre très mobile. Cette « caméra déchaînée » effectue ainsi des mouvements spectaculaires, et traduit par des cadrages ou des angles de prises de vue remarquables l’état d’esprit ou la psychologie des personnages. Alfred Hitchcock, qui se trouvait sur un plateau voisin, dans les studios de la UFA pour les besoins d’un coproduction anglo-allemande, assiste admiratif au tournage et ne cachera pas l’immense influence du film sur lui.

 Le Dernier des hommes triomphe aux Etats-Unis sous le titre The Last laugh, et le producteur américain William Fox propose à Murnau de venir travailler à Hollywood. Avant de répondre à l’invitation, Murnau met en scène Tartuffe en 1925 puis Faust d’après Goethe. Le réalisateur y a fait à nouveau preuve d’un mélange de rigueur et d’inventivité, et, des années plus tard, le cinéaste Eric Rohmer qualifiera Faust de sorte « d'opéra visuel, la mise en scène y tenant lieu de partition ».

En 1926, Murnau s’installe aux Etats-Unis. Sa première réalisation américaine, L’Aurore, véritable sommet du cinéma muet, sera suivie de trois autres titres avant sa mort accidentelle en 1931.
4. Nosferatu, le vampire

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Malgré des noms des personnages et des lieux différents, on reconnaît dans le scénario de Nosferatu, le vampire la trame du roman de Bram Stoker, Dracula, même si cette source n’est pas indiquée au générique. L’histoire, située en 1838, conduit en Transylvanie un jeune agent immobilier, Thomas Hutter, chargé de vendre une demeure à un certain comte Orlock. Ce dernier est en fait un vampire qui va quitter son château et venir s’installer dans la maison qu’il a acquise face à celle de Hutter et sa femme Ellen…

 Portant pour titre original Nosferatu, Eine Symphonie des Grauens (« une symphonie de l’horreur »), le film de F. W. Murnau s’impose comme une œuvre phare du cinéma fantastique. Sans rompre radicalement avec l’expressionnisme, il s’emploie à susciter l’effroi en transfigurant des décors naturels : forêts désertes, ciels nuageux deviennent autant d’éléments inquiétants. Les jeux d’ombres tiennent une place de choix dans cet univers rendu encore plus étrange par le cinéaste grâce à l’utilisation de trucages comme l’accéléré, ou le recours à des filtres colorés ou des images en négatif. Ce récit angoissant qui met en scène le combat des forces de la mort contre celles de la vie puise aussi dans le romantisme et se double d’un poème d’amour. La richesse du film invite à des lectures multiples. On peut ainsi voir dans les personnages de Nosferatu et de Hutter les deux faces d’un même être : d’un côté le désir, de l’autre la pulsion de mort.

Le film a fortement impressionné les surréalistes, séduits notamment par le carton : « Et quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre ». Le poète Robert Desnos voyait quant à lui dans Nosferatu « le plus beau film du monde »
5. Fritz Lang

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Né à Vienne en 1890, Fritz Lang s’intéresse à la peinture et étudie l’architecture avant de se lancer dans le cinéma. Il écrit d’abord des scénarios puis passe à la réalisation en 1919 et connaît son premier succès avec Les Araignées, un film d’aventures exotiques en deux parties. En 1921, dans Les Trois lumières, il développe plusieurs contes fantastiques autour de l’amour et la mort situés à diverses époques. Lang acquiert alors une renommée internationale et entreprend Le Docteur Mabuse, une œuvre en deux parties sur un personnage diabolique qui utilise l’hypnose pour conquérir pouvoir et argent. Cette fois, l’histoire se déroule dans un cadre contemporain. Éclairages contrastés, effets de surimpression, travail sur la narration : par son sens de la mise en scène le cinéaste renouvelle le serial, le film à épisodes cher à Louis Feuillade, le réalisateur de Fantômas et des Vampires.
De la légende médiévale à la science fiction
g  En 1924, sort Die Nibelungen, un diptyque composé de deux films de plus de deux heures chacun, La Mort de Siegfried et La Vengeance de Kriemhild. Dotés de moyens importants, ces deux volets inspirés par des légendes germaniques font vivre dans un Moyen Âge imaginaire des héros invulnérables plongés dans des intrigues mêlant combats contre un dragon, affrontements sanglants, pouvoirs magiques, trahisons… L’année suivante, le cinéaste tourne Metropolis, d’après un roman de sa femme Thea Von Harbou. Ce film d’anticipation très ambitieux, qui ne rencontrera pas son public à sa sortie, est aujourd’hui un classique. Certains y voient la dernière manifestation de l’expressionnisme à l’écran, pourtant Lang répétait : « On me classe toujours parmi les expressionnistes, mais je me range personnellement plus volontiers parmi les réalistes. »
g  Après Les Espions puis La Femme sur la lune (1929), une superproduction de science-fiction qui sera son dernier film muet, il signe M, le maudit en 1931. S’inspirant d’un fait-divers, il met en scène la traque d’un tueur en série, qu’interprète l’excellent Peter Lorre, par la police et par la pègre. Polar doublé d’une réflexion sur la justice et la peine capitale, M est un véritable chef-d’œuvre. Lang y intègre le son à sa mise en scène de façon extrêmement inventive et le film représente bien plus qu’un passage réussi au parlant. Tout aussi intéressant dans son travail de la bande sonore, son Testament du docteur Mabuse, sera interdit de projection en Allemagne par la censure nazie au printemps 1933. Lang a en effet placé des extraits du programme national-socialiste dans la bouche d’un personnage dément. Le cinéaste s’exile alors à Paris, où il tournera un film avant de rejoindre Hollywood. Il reviendra travailler à nouveau en Allemagne à la fin des années 1950.
6. Metropolis

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 Si Metropolis compte parmi les films les plus célèbres de l’histoire du cinéma allemand, à sa sortie en 1927, cette œuvre n’a pas rencontré le succès. Après quatre mois d’exploitation à Berlin, le distributeur le retira de l’affiche pour en modifier le montage et l’amputer d’un quart de sa durée.

 Metropolis, c’est d’abord un roman. « Lorsque j’ai lu pour la première fois le manuscrit de Thea von Harbou (alors l’épouse du réalisateur), j’ai tout de suite compris que le travail qui m’attendait allait de très loin dépasser mes précédentes réalisations », a déclaré Fritz Lang. Plusieurs mois de tournage pharaonique seront nécessaires pour traduire sur grand écran cette histoire d’anticipation située dans une ville futuriste aux gratte‑ciel arts déco. « Métropolis est né du premier regard que j’ai jeté sur les gratte‑ciel de New York en octobre 1924 », disait le cinéaste. Et si le récit débouche sur une conclusion douteuse, l’extraordinaire univers visuel créé par Lang au moyen de décors spectaculaires, de jeux de lumières, d’amples mouvements de caméra marquera, lui, des générations et nourrira par exemple le Blade Runner (1982) de Ridley Scott.

Le film aborde une multitude de sujets : menace totalitariste, exploitation des ouvriers, culte de la machine… Il reprend également le thème double à travers l’androïde et on retrouve la figure du savant fou, avec le créateur du robot maléfique.
g  Porté par une mise scène impressionnante, Metropolis est aujourd’hui inscrit au registre « Mémoire du monde » de l’Unesco, qui réunit le patrimoine documentaire mondial.
7. Kammerspiel

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Avant de devenir un courant cinématographique, le Kammerspiel, « jeu de chambre » ou « théâtre de chambre » en allemand, désignait des pièces de théâtrales à jouer dans de petites salles. Max Reinhardt fut un des metteurs en scène majeurs des Kammerspiele. Dans ces espaces scéniques de taille modeste, son travail reposait largement sur des jeux de lumières et une interprétation très intériorisée par les comédiens. Bon nombre d’acteurs de cette époque, comme Emil Jannings ou Werner Krauss, sont d’ailleurs issus de la troupe de Reinhardt.

L’influence de cette esthétique théâtrale va s’exercer dans des films du début des années 1920 qui cherchent à conjuguer réalisme et expressionnisme. Leur réalisme vient notamment de l’évocation de milieux sociaux précis tandis que la dimension expressionniste se manifeste dans leur style visuel, leurs effets d’ombres et de lumière. Développant une forte tension dramatique et une atmosphère pesante, les scénarios du Kammerspielfilm enferment quelques personnages dans des huis clos et se soumettent à la règle des trois unités (lieu, temps, action). Parmi les titres-phares de ce courant, L’Escalier de service de Leopold Jessner (en collaboration avec Paul Leni) prend pour personnage principal une jeune bonne à tout faire qui se croit abandonnée par son amoureux. Les univers bourgeois d’une part et plus modeste de l’autre entre lesquels elle circule sont en partie caractérisés par des escaliers représentatifs.

Sans intertitres

Le Rail de Lupu-Pick (1921) est centré sur la vie d’une famille de cheminots dont la fille va être séduite par un inspecteur. Ce drame intimiste explore la psychologie des personnages en limitant au maximum le recours aux textes des intertitres. On retrouve l’absence d’intertitres dans La Nuit de la Saint-Sylvestre, également réalisé par Lupu-Pick, en 1924. L’intrigue se situe le 31 décembre dans un quartier populaire peu avant minuit et la durée de l’action tend à correspondre à celle du film. Le scénario, comme celui du Rail, est signé Carl Mayer, un auteur majeur de l’époque, dont les textes décrivaient avec précision les atmosphères, les éclairages, les mouvements de caméra. Mayer ayant écrit le script du Dernier des hommes de Murnau, le film est régulièrement associé au Kammerspiel, même s’il n’en relève pas à proprement parler.
Rompant avec les huis clos du Kammerspielfilm, la tendance artistique de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit) définira de nouvelles règles en matière de réalisme, illustrées à la fin des années 1920 par des films tels que Berlin, symphonie d’une grande ville de Walter Ruttmann (1927).
8. Georg Wilhelm Pabst

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Mort dans un relatif oubli en 1967, Georg Wilhelm Pabst, cinéaste d’origine autrichienne, a pourtant marqué profondément le septième art allemand des années 1920-1930.

Il vient à la réalisation avec Le Trésor en 1923, une histoire de rivalité amoureuse et de cupidité autour d’une famille de fondeurs de cloches, mais c’est surtout La Rue sans joie (1925) qui va faire sa renommée. Alors que Le Trésor avec ses clairs-obscurs portait l’empreinte de l’expressionnisme, cette oeuvre s’inscrit dans une veine réaliste aux préoccupations sociales. Pabst y retrace le destin de jeunes filles dans un quartier misérable de Vienne où les femmes poussées par la misère sont acculées à la prostitution. Ce tableau sans fard des conditions de vie dans des quartiers terrassés par la crise valut au film d’être mutilé par la censure.

La Rue sans joie révèle au grand public une comédienne suédoise tout juste âgée de vingt ans : Greta Garbo, appelée à poursuivre sa carrière à Hollywood et à devenir une légende de l’écran. En 1926, Pabst signe Les Mystères d'une âme, dont le scénario s’inspire d’un cas traité par Sigmund Freud pour vulgariser la psychanalyse. Dans L'Amour de Jeanne Ney, tourné l’année suivante, il conte les amours impossibles d’une jeune Française avec un révolutionnaire russe.

De Greta Garbo à Louise Brooks

Sa collaboration avec la comédienne américaine Louise Brooks consacrera le sommet de sa carrière muette. L’actrice prenant ses distances avec Hollywood accepte de devenir en 1928 l’interprète de Loulou, d’après deux pièces de Frank Wedekind, L'Esprit de la Terre et La Boîte de Pandore. Défiant les tabous sexuels, Pabst en fait une femme libre, une séductrice fascinante immortalisée par sa coupe à la garçonne, dont la route va croiser celle de Jack L'Eventreur. Le cinéaste la dirige à nouveau dans Le Journal d’une fille perdue (1929) où il met en exergue avec non moins de bonheur son pouvoir érotique et se livre à une critique de la bourgeoisie.

Quand le réalisateur aborde le parlant au début des années 1930, il s’intéresse tout autant à l’âme humaine qu’aux sujets sociaux et il est parfois surnommé « Pabst le rouge ».

Quatre de l’infanterie (1930) dépeint avec une extraordinaire force visuelle l’enfer du front en 1918 et la misère de l’arrière. En revanche son adaptation de L’Opéra de quat’sous en 1931 ne plaira pas du tout à Bertolt Brecht, déçu de ne pas y trouver une dénonciation politique plus radicale. Après La Tragédie de la mine, sorti la même année, qui exalte la solidarité des mineurs face à une catastrophe, Pabst s’oriente vers des films plus légers qu’il tourne en France et aux Etats-Unis. Étonnamment, en 1939 il revient en Allemagne où il signera plusieurs films sans pour autant céder aux demandes de propagande des nazis. Après-guerre, ses films porteront sur des cas de conscience, comme pour régler ses comptes avec ce retour problématique.
9. L'Ange bleu

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Sorti en avril 1930, L’Ange bleu se donne comme le premier grand film parlant allemand. Cette adaptation d’un roman d’Heinrich Mann, Professeur Unrat, est réalisée par Josef Von Sternberg, un Viennois venu à Berlin après avoir signé plusieurs films en Amérique.

Emil Jannings, interprète notamment du Dernier des hommes de Murnau, est en tête d’affiche de ce conte cruel sur un amour fou mais une jeune comédienne, Marlene Dietrich, va lui voler la vedette. Avec ses bas, ses jarretelles et son haut de forme, la chanteuse Lola-Lola s’impose comme une icône de l’histoire du cinéma et la scène où elle chante Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt ("Je suis de la tête aux pieds, faite pour l'amour") constitue un moment d’anthologie. Cette chanson a d’ailleurs été par la suite souvent reprise, par Marlene Dietrich et par d’autres.

Symbole sexuel, la sensuelle Lola-Lola incarne par excellence l’ambiance des cabarets berlinois des années 20.

La critique de l’époque ne manque pas de saluer l’utilisation intelligente du son mais au-delà de cet élément, la mise en scène au cordeau de Josef Von Sternberg ne laisse aucun détail au hasard. Ainsi, les volailles sur lesquelles s’ouvre le film et l’oiseau mort au début du récit qui vont revenir sous diverses formes au fil du film, des plumes collées sur les cartes représentant Lola-Lola à l’oiseau suspendu tout près de la scène où chante la jeune la chanteuse, entre autres motifs.

Le film a été apprécié par des générations de cinéphiles et on peut sans doute en voir dans la première séquence des 400 coups de François Truffaut une réécriture de la scène d’ouverture où les élèves font circuler la photo de Lola-Lola.
10. La fin d'un âge d'or

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Au-delà des œuvres d’un Fritz Lang ou d’un G.W. Pabst, les écrans de la République de Weimar au tournant des années 1920-30 accueillent une production aussi dynamique que variée.

Une série de films abordent des questions sociales qu’elles traitent dans une optique humaniste ou ouvertement progressiste. Ainsi en 1928, Sexe enchaîné de Wilhelm Dieterle évoque « la misère sexuelle en prison » et entend dénoncer les conditions de vie derrière les barreaux.

Bertolt Brecht coécrit le scénario et s’implique dans la production de Ventres glacés/Kuhle Wampe (1932), réalisé par Slatan Dudow. Avec pour sous-titre Oder Wem gehört die Welt ? ("à qui appartient le monde ?"), le film met en scène des personnages frappés par la crise et le chômage qui rejoignent une colonie ouvrière autonome. Y voyant une œuvre de « propagande communiste », la censure l’interdit d’abord mais il finit par être projeté sous certaines conditions.

Sorti en 1930, Les Hommes le dimanche, de Robert Siodmak et Edgar Ulmer, adopte, quant à lui, une approche originale entre fiction et documentaire pour nous faire partager la journée dominicale de Berlinois, interprétés majoritairement par des non professionnels.

Tout un courant d’avant-garde s’illustre également, avec en particulier par Walter Ruttmann et son Berlin, symphonie d’une grande ville (1927), sorte de documentaire expérimental, exalte les énergies à l’œuvre dans cette métropole en plein essor. Des cadrages au montage, une écriture d’une remarquable inventivité au service d’un portrait de la ville de l’aube au cœur de la nuit, qui fait la part belle à la vitesse, au machinisme.

Dans un registre romantique, Max Ophuls raconte dans Liebelei (1933), l’histoire d’amour tragique entre un jeune officier et la fille d’un musicien. Portée par la mise en scène élégante, cette adaptation d’une pièce d’Arthur Schnitzler, interprétée notamment par Magda Schneider, rencontre un grand succès, mais son réalisateur, d’origine juive, doit bientôt quitter le pays.

À partir de 1933, le cinéma allemand tombe dans les mains des nazis. Goebbels, ministre de tutelle, s’en empare comme d’un formidable outil de propagande en veillant toutefois à laisser se développer en parallèle toute une production de films de divertissement plus « légers ». Le tournant est radical : les lois raciales qui interdisent aux juifs et aux non-aryens de travailler dans la production cinématographique poussent à l’exil d’innombrables créateurs et techniciens. Leur route passe souvent par Paris mais se poursuit fréquemment à Hollywood où se retrouveront des cinéastes comme Fritz Lang, Robert Siodmak, Billy Wilder, des acteurs dont Peter Lorre et bien d’autres. La loi nationale-socialiste sur le cinéma votée début 1934, impose un contrôle strict sur les scénarios avant tournage comme sur les films terminés par une censure dépendant du ministère de la Propagande. Une page est tournée.

Présentation : Entre l’avènement de la République de Weimar fin 1918 et l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, le cinéma allemand va connaître une période d’explosion créative et de prospérité économique exceptionnelle. Cette exposition vous propose un panorama de la production cinématographique allemande entre 1918 et 1933.

Informations pratiques : Cette exposition est constituée de 10 panneaux rigides et légers de 60x105 cm.

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Sommaire

1. Du Docteur Caligari à M, le maudit
2. Caligari et l'expressionnisme
3. Friedrich Wilhelm Murnau
4. Nosferatu, le vampire
5. Fritz Lang
6. Metropolis
7. Kammerspiel
8. Georg Wilhelm Pabst
9. L'Ange bleu
10. La fin d'un âge d'or