Le flamenco est issu d'une tradition vivante qui remonte à la plus haute Antiquité.
Il s'organise autour de 3 axes : le chant (cante), la danse (baile) et la guitare (toques).
Le flamenco représente à lui seul un genre musical très varié, illustré par des centaines de tendances. Chacune d'entre elles possède une atmosphère propre et beaucoup sont des variantes régionales d'Espagne.
Bien que largement ouverts au renouveau et à la créativité, les genres du flamenco sont gouvernés par des règles aussi strictes que celles de la composition classique.
Cet art du peuple est modelé par la joie et la souffrance. Le flamenco est constamment influencé et modifié par le contexte social dans lequel il trouve ses racines.
À l'origine, le flamenco est un simple chant a cappella (cantes a palo seco), dont le premier genre fut la toná, créée en Andalousie. Les claquements des mains qui accompagnent le chant s'appellent palmas, la danse, el baile (bailaor pour le danseur), la percussion se fait souvent avec le cajón, avec les pieds (zapateado, une sorte de claqué) et avec les castagnettes. La musique, nommée le toque, repose essentiellement sur la guitare flamenca.
Le cante flamenco consiste en un certain nombre de formes traditionnelles (et d'autres plus modernes), ayant des structures rythmiques et harmoniques différentes. Le rythme (compás) est sans doute la caractéristique la plus importante pour distinguer les différentes formes du flamenco. Les pièces sont composées de plusieurs "phrases" ou falsetas.
Certaines formes sont chantées sans accompagnement, alors que d'autres encore utilisent une guitare, voire un autre accompagnement. D'autres ne s'expriment que par la danse. En outre, certaines danses, certains chants sont traditionnellement le privilège des hommes, et d'autres sont réservés aux femmes. Cependant, de nombreux aspects traditionnels perdent de leur rigidité. La farruca par exemple, traditionnellement une danse masculine, est aujourd'hui également pratiquée par les femmes.
La mystérieuse étymologie du flamenco
Voici quelques-unes des théories sur la genèse exacte du terme "flamenco".
Selon des hypothèses successives réfutées depuis, le mot "flamenco" serait issu des termes arabes felah-enkum, qui, associés, signifient "paysan errant", ou viendrait du nom d'un couteau ou d'un poignard.
On peut aussi remarquer que le flamenco s'adresse directement aux auditeurs participants, qui interviennent traditionnellement par l'approbation, le battement des mains, la voix ou la danse dans le récit du soliste. Or le sonore "olé !" qui ponctue les moments forts du flamenco correspond tout à fait à l'intervention arabe des auditeurs qui approuvent un vers ou un moment musical virtuose : "Allah !"
Selon une autre théorie, le mot trouverait son origine dans le nom de l'oiseau appelé flamenco ("flamant rose") : les chanteurs interprétaient le chant vêtus d'une veste courte et brisée à la taille, et c'était la raison majeure pour laquelle ils ressemblaient à l'échassier du même nom.
Le flamenco trouverait donc son origine dans trois cultures qui ont été absorbées par les Andalous : arabo-musulmane, juive, ainsi qu'indienne via les Gitans.
Ainsi, l'origine de cette musique doit aussi être recherchée dans l'ethnologie du peuple qui l'a conservée et transmise, le peuple gitan. Les Gitans, originaires de l'Inde, ont conservé de larges franges de leur culture d'origine, à savoir la langue (le calé?) et la musique. Une étude comparative de la musique indienne (bharata natyam, mudras et surtout kathak) et de la danse flamenca (par exemple la chanteuse et danseuse Carmen Amaya) permet de dégager des similitudes exactes. Exégètes, musicologues, chercheurs, s'accordent à penser aujourd'hui que Triana, un quartier de Sevilla (Séville), est le berceau du flamenco. C'est en effet dans cette ville que poètes et musiciens trouvent refuge vers le XVIe siècle.
D'autres sources, telles que la bibliothèque de Sevilla, font remonter la venue de troubadours "réfugiés" à cause des persécutions au XIIIe siècle.
Certains historiens considèrent que les Gitans nomades ont fortement contribué à la diffusion du flamenco en arrivant en Espagne, au début du XVe siècle.
Enfin, la profonde sensibilité musicale des Gitans puise également dans la douceur et la tristesse des berceuses des mères juives.
La politique désastreuse du gouvernement espagnol de la fin du XIXe siècle a des conséquences terribles sur les conditions de vie du peuple andalou. Elle fait naître misère, répression et drames sociaux qui ne cesseront d'alimenter les sources d'inspiration du flamenco. L'injustice sociale, la prison, la faim, l'histoire des Gitans espagnols seront les premiers thèmes du flamenco, dans son étape de formation et de diffusion parmi ses premiers publics. Le berceau du flamenco, c'est l'Andalousie. C'est là que naissent un chant, une musique et une danse à la fois inspirées du folklore local et national et fortement empreintes du drame social des Gitans, ses premiers créateurs.
Les premières références écrites
Selon les avis les plus répandus, au début il n'y avait ni danse ni guitare, seulement le chant, de sorte qu'on est arrivé à la conclusion que le premier genre de l'histoire fut la toná, et que celle-ci s'est établie dans le triangle formé par Triana, Jerez et Cádiz.
Cependant, après une profonde lecture de l'oeuvre La Gitanilla, de Cervantès, il est possible d'observer que la première discipline flamenco fut la danse, comme l'affirme le personnage de Preciosa, une jeune danseuse qui gagne sa vie en effectuant des danses d'origine andalouse auxquelles se soumettent l'accompagnement aussi bien musical que vocal, tous deux étroitement liés.
L'oeuvre, écrite au début du XVIIe siècle, crée le premier précédent non oral dans l'étude des origines du flamenco. Mais le caractère romancé de l'histoire lui ôte du réalisme, raison pour laquelle cette information ne peut en aucune façon être considérée comme empirique.
Les premiers cafés cantantes apparaissent vers 1842. C'est dans ces derniers que le flamenco commence à être admiré et applaudi. C'est l'époque où il sort des écrins familiaux gitans pour être présenté au public comme divertissement. Au début, le chant et la guitare sont les éléments les plus importants. Progressivement, des cafés cantantes à nos jours, la danseuse et le danseur de flamenco passent de simples figurants à artistes à part entière ayant acquis des lettres de noblesse et au charisme omniprésent.
Le flamenco à Madrid
Le succès récolté par le chant flamenco auprès du public fait que la capitale, Madrid, devient le centre du chant dès le début du XXe siècle. La plupart des artistes de renom décident de s'établir à Madrid afin de donner sens à leur carrière artistique et les spectacles commencent ainsi à proliférer dans les théâtres. Profitant des répercussions du premier concours de flamenco à Grenade, l'imprésario du théâtre madrilène Pavón, décide de créer la Coupe Pavón, un prix qui allait servir à augmenter le prestige du chanteur ayant été récompensé. La première finale a lieu le 24 août 1925 et y participent El Niño Escacena, Pepe Marchena, El Cojo de Málaga, El Mochuelo ou Manuel Vallejo.
L'Ópera flamenca
Dans les années 20, les affiches annonçant les spectacles commencent à apparaître avec une étiquette polémique : "Ópera flamenca". Le terme n'est toujours pas accepté par de nombreux experts, car selon eux, cette époque implique une adultération des styles flamencos parce que la plupart des chanteurs laissent de côté des genres aussi fondamentaux que la soleá, la siguiriya, la toná, le tango ou la bulería, pour se consacrer pleinement au fandango, aux styles de ida y vuelta et aux cuplés.
À cette période apparaissent de nombreux "fandanguilleros" et lors de ce "boom", on voit également arriver des figures telles que Juan Valderrama, Pepe Marchena, Caracol ou Pastora Pavón Cruz, créatrice d'une école qui est toujours vénérée, même si d'autres artistes font également parler d'eux tels que Porrina de Badajoz, Angelillo et José Cepero.
En réalité, cette référence à l'opéra répond simplement au besoin d'attirer le public dans les théâtres et les chanteurs ne font que satisfaire les demandes.
Le flamenco vient aux grands espaces : les arènes connaissent un essor, mais également la danse, qui compte de grandes figures telles que Antonia Mercé la Argentina, Pastora Imperio, Vicente Escudero et Encarnación López la Argentinita, une génération qui sera suivie par celle composée de Pilar López, Carmen Amaya et Antonio. Enfin, le chant voit progresser des artistes tels que Aurelio Sellés, Pericón, La Perla de Cadix, El Flecha, Macandé et Manolo Vargas, originaire de Cadix ou Terremoto, El Sordera, María Soleá et La Paquera, originaires de Xérès.
Il existe une référence à une figure considérée pendant très longtemps comme le premier chanteur de l'histoire : el Tío Luis de la Juliana, originaire de Jerez. Son nom a créé de nombreux conflits entre les flamencologues d'antan, car sa biographie n'a jamais pu faire l'objet d'un consensus. Aujourd'hui, cette discussion n'a plus la même importance car il est toujours impossible de démontrer le fait même qu'il ait existé !
Les premiers artistes dont on possède des références sont des artistes du XVIIIe siècle à Triana. Il faut par exemple citer des chanteurs tels qu'El Planeta, qui a développé tout son art dans les faubourgs de Séville en chantant seguiriyas et tonás. Son principal élève fut El Fillo, Gitan également originaire des terres de Cádiz, qui vécut une histoire d'amour avec l'Andonda, une femme beaucoup plus jeune que lui. Ce fut probablement elle qui fut la première à chanter par soleá.
Au début, la soleá est apparue comme un chant dansant, jusqu'à ce que les alfareros (potiers) du quartier sévillan commencent à élaborer des styles sans accompagnement non soumis à un tempo. À cette époque, on chantait également par romances, styles apparentés à la toná.
Parallèlement, à Jerez, se développent également d'importants noyaux flamencos. On retient le nom de Paco la Luz, chanteur mythique de seguiriyas, suivi par presque tous les grands chanteurs originaire de Jerez : El Loco Mateo, Manuel Molina, Diego el Marrurro, Joaquín Lacherna ou Mercé la Serneta. Citons aussi el Ciego la Peña, Curro Durse, Enrique El Gordo ou Enrique Jiménez Fernández, dit "El Mellizo".
Cependant, cette étape, appelée "hermétique", est encore aujourd'hui assez obscure pour les chercheurs, car il y a peu de documents écrits qui témoignent de cette époque. En revanche, tout changera ensuite. Le cantaor Silverio Franconetti a reçu par exemple du maître El Fillo un héritage considérable, à Morón de la Frontera. Il va bientôt représenter un élément clef du futur du flamenco. En 1865, Franconetti devient aussi organisateur de spectacles flamencos : il ouvre des cafés cantantes qui sont les premiers établissements dédiés à ce genre musical. Il fera aussi lui-même connaître le jeune Antonio Chacón. Franconetti est considéré comme un des premiers artistes professionnels et un des inventeurs du spectacle flamenco, car auparavant, cette musique était destinée à un auditoire familial et privé…
Dans la région de Cádiz naît la seguiriya et, probablement, la bulería. C'est aussi là que furent consacrés des noms tels que ceux de Paco la Luz, El Loco Mateo, El Marrurro, Manuel Molina, Sernita, Juanichi el Manijero, María Borrico, Tío Gregorio, La Piriñaca, Mojama, Joaquín Lacherna, Tío José de Paula ou Manuel Torre…
Córdoba
Le premier grand chanteur connu à Córdoba (Cordoue en français) a également été matador. Il s'agit de Ricardo Moreno Mondéjar, aussi connu sous le nom de Juanelero el Feo et premier chaînon d'une série d'artistes. Cet artiste a repris le style de la soleá de Triana et l'a adapté en créant une modalité cordouane. Il a aussi créé des alegrías portant son propre nom (la alegría est un palo flamenco joyeux du groupe des cantiñas, chants de Cádiz).
Mais Córdoba est également célèbre pour sa grande variété de fandangos (style musical et danse traditionnelle espagnole de couple, d'origine andalouse).
À Cabra, apparaît un style dont le plus grand interprète est Cayetano Muriel, tandis qu'à Lucena, il est possible d'écouter un éventail de chants qui se différencient des fandangos de Dolores de la Huerta, ceux de Rafael Rivas et ceux de la Calle Rute. Tous ont été magnifiquement interprétés au cours des dernières années par Antonio Ranchal et Pedro Lavado.
Et c'est enfin à Puente Genil que surgit le zángano, morceau diffusé dans les années soixante par Fosforito et qui constitue le legs de José Vedmar el Seco. Il y a également dans la province de Cordoue, un vaste glossaire de chants de la campagne, tels que la trilla, la temporera et la pajarona. On attribue en outre à cette province la création de la serrana : un palo flamenco originaire de la région de Ronda, à Malaga. Il s'agit d'un chant champêtre propre au folklore andalou populaire.
Aujourd'hui, alors que Fosforito a pris sa retraite, les représentants les plus importants de cette région sont El Pele, Luis de Córdoba, Antonio de Patrocinio, El Calli, Inmaculada Aguilar, Concha Calero, Mario May ou Joaquín Cortés.
Cependant, peu de temps avant que ne surgissent ces maîtres, l'histoire du flamenco fait face à un moment clef. À la même époque apparaissent des chanteurs comme Silverio Franconetti, Tomás el Nitri et Juan Breva. Une concurrence féroce surgit entre eux, à tel point qu'El Nitri refuse de chanter devant Franconetti afin de ne pas être tourné en ridicule face au maître d'ascendance italienne. Mais, la première Clef en Or du Chant de l'histoire est attribuée à Tomás El Nitri, qui reçoit cette récompense en hommage à son art lors d'une fête.
Cette province mérite une étude singulière, car y perdure un style éminemment folklorique : la zambra. Il s'agit du nom générique désignant les spectacles des Gitans de la région. L'un des premiers interprètes de zambra connu est El Cujón, mais on peut évoquer aussi La Golondrina, Pepa Amaya, Lola Medina, Rosa la Faraona, María la Canastera et, plus récemment les Habichuela...
Il faut également mentionner la granaína et la media granaína qui sont créées par Antonio Chacón. Elles sont accueillies par la province de Granada comme "chants de la région"... Enfin, le tango de Graná est un autre style propre à la région, une variante au rythme plus lent et aux cadences graves. Enrique Morente et la danseuse Eva la Yerbabuena en sont les plus grands représentants.
Huelva
Huelva est le berceau du fandango. Il s'agit d'un style musical et d'une danse traditionnelle de couple, accompagnée de castagnettes et de guitare, et qui peut être chantée.
On peut distinguer plusieurs noyaux de création sur la province : Alosno (le plus ancien site minier de la région), la Sierra et la capitale. Le riche héritage folklorique de la province provient de Huelva, où, en 1800, l'archéologue et ingénieur français Ernest Delgny redécouvrit les mines de Alosno. Depuis cette date, une infinité de styles différents se sont exprimés, dont il faut citer les quatre principaux interprètes : José Rebollo, Paco Isidro, Antonio Rengel et Paco Toronjo. Parmi les styles les plus connus, se trouvent ceux de Alosno, Almonaster, Santa Eulalia, El Cerro del Andévalo, Encinasola, Calañas et Cabezas Rubias.
Jaén
Le noyau créateur de la province de Jaén s'organise autour de l'axe de Linares-La Carolina. Comme à Almería, le chant arrive dans la région grâce à l'essor minier. Le style principal est la taranta, menée par El Tonto Linares, La Niña de Linares, Gabriel Moreno u Carmen Linares. On trouve également dans cette région, les chants par temporeras, dont le plus fameux est celui de la aceitunera ("olive"). L'un des représentants les plus importants de son histoire fut le chanteur d'Andújar : Rafael Romero El Gallina.
Le concours de 1922 à Granada
Lorsque les professionnels du chant, de la danse et du jeu de guitare commencent à surgir, certains intellectuels commencent à redouter la disparition de "lo puro" ("ce qui est pur"). Manuel de Falla ou Federico García Lorca considèrent que le flamenco doit être un art du peuple, réduit à la minorité andalouse, et non un style commercialisable. La crainte de la perte de ce qu'ils appellent "pureté" les amène à créer le premier concours de chant flamenco, qui a lieu à Granada (Grenade, en français) en 1922, et dans lequel la seule exigence est que les candidats soient des inconnus, des gens du peuple, et non des figures déjà consacrées dans les cafés cantantes. Le concours est gagné par Diego Bermúdez Cala, "El Tenazas", et Manuel Ortega Juárez, 13 ans et futur "Manolo Caracol", reçoit une mention d'honneur.
Mais les prétentions des créateurs de ce concours n'aboutissent pas et, malgré les efforts pour rendre le flamenco au peuple, le genre continue à se professionnaliser, et les amateurs sont témoins d'une révolution qui s'accentue avec l'essor des disques vinyles.
Cette province est celle où abondent les styles abandolao (genre flamenco interprété à la guitare).
Il y a à Málaga un grand nombre de bons chanteurs, pour lesquels on distingue trois groupes stylistiques dominants : la verdial (chansons folkloriques), le fandango abandolao et la malagueña. Pour ce dernier, citons La Trini, El Pena, El Canario, El Perote, El Maestro Ojana, Baldomero Pacheco et El Cojo de Málaga.
Concernant les abandolaos, on différencie les fandangos de la sierra (bandolás, rondeña chica et rondeña grande) de ceux de la côte (jabegote ou chant du marengo), et d'un autre abandolao originaire de la capitale : la jabera. En ce qui concerne les chants festifs, Málaga est également le berceau des tangos du Piyayo et de certains styles de la Repompa. On attribue aussi à cette province la création du polo et de la caña.
Sevilla
Dans cette province, l'attribution des chants est répartie en quatre grands noyaux : Triana, Utrera, Alcalá et Lebrija. Des faubourgs de Sevilla, naissent la toná, la soleá et leurs variantes, le tango et plusieurs styles de seguiriya. À partir de cette ville, Frasco el Colorao, Los Cagancho, La Andonda, El Matrona, Tomás et Pastora Pavón, Márquez el Zapatero, Manuel Oliver ou Paco Taranto forgent leur art.
Le chant part vers d'autres villages, et un style caractéristique de soleá surgit d'Alcalá. Mentionnons le cas de Utrera, où s'établit Mercé la Serneta, originaire de Jerez, afin de créer une mélodie originale à laquelle s'unit ensuite Rosario la del Colorao ou los Perrate, ainsi que las Niñas de Utrera. Cette ville a depuis toujours maintenu un contact direct avec Lebrija grâce au chemin de fer. Les figures de Diego le Lebrijano ou de Juaniquín sont historiques, ce dernier étant un génie d'un style de soleá.
Franconetti décide d'ouvrir un café cantante au n°4 de la rue Rosario à Sevilla. À ce moment, le flamenco se professionnalise. Mais les "artisans" demeurent. C'est le cas des Gordos de Alcalá, une famille de Triana (avec Antonio Mairena, Joaquín el de la Paula), ou Tío José de Paula et Agujetas el Viejo à Jerez.
Nous voilà au XXe siècle, et dans les années 20, une génération incomparable reprend le flambeau de cet art. On commence déjà à entendre des noms tels que Pastora Pavón Cruz "La Niña de los Peines", Arturo et Tomás Pavón, Manuel Torre, Manuel Vallejo, Las Pompis, Juanito Mojama, Bernardo el de los Lobitos, El Niño Escacena, Pepe el de la Matrona, El Cojo de Málaga, Juan Varea, Pepe Pinto, Sebastián el Pena, El Niño de Marchena, Manolo Caracol, Tía Anica la Piriñaca, Tío Gregorio el Borrico et Juan Talega.
Les festivals
Les premiers festivals de flamenco de l'histoire sont créés et ils commencent à avoir une vraie importance. La danse est représentée par des figures telles qu'Antonio Gades, Mario Maya, Farruco, El Güito, Matilde Coral, Cristina Hoyos, Manuela Carrasco, Angelita Vargas, Maleni Loreto et Antonio Gazpacho Morón. Le public a envie de voir de la jondura (intensité).
En 1957 naît le Potaje Gitano de Utrera, le premier festival de flamenco. Il est suivi par d'autres : Arcos de la Frontera (1961), le Festival de Chansons et de Chant Flamenco de Mairena del Alcor (1962), le Grand Festival de Cante Grande de Écija (1962), El Gazpacho Andaluz de Morón de la Frontera (1963), la Caracolá de Lebrija (1966) ou le Festival de la Guitare de Marchena (1967). Tous ont lieu l'été, dans de grands espaces ouverts, avec un circuit de contrats qui intensifie le travail des artistes en été.
Durant l'hiver, les artistes s'attèlent à une autre tâche vitale : amener le flamenco dans les cercles intellectuels. La musique andalouse entre dans les universités, les récitals commencent à proliférer, illustrés par des conférences. Le mot "flamencologue" naît et le flamenco subit une importante révision historique. On se dirige vers un nouveau type de festivals de longue durée, comme la Biennale de Séville.
C'est seulement dans la deuxième partie du XIXe siècle que le flamenco se démocratise et devient un art présenté au public. C'est l'avènement des cafés cantantes qui, à partir de 1842, enclenche ce phénomène d'expansion du flamenco. C'est aussi grâce à ces cafés cantantes que des artistes arrivent avec des répertoires beaucoup plus diversifiés. En effet, ces cafés servent aussi à rapprocher les traditions andalouses (malaguenas, verdiales, granadinas, tarantas) et gitanes (seguiriyas, soleares, martinetes, bulerias, tangos...). Le chanteur reste le personnage principal, mais le guitariste prend de plus en plus d'importance. Le niveau général de compétences s'améliore et les guitaristes inventent de nouvelles techniques.
En 1910, l'époque des cafés cantantes est révolue, les goûts du public s'orientent vers un style de voix plus raffiné. C'est l'époque de la présentation théâtrale du flamenco, de l'Ópera flamenca et du Flamenco Ballet.
Après l'incursion du flamenco dans le théâtre et la popularité croissante des concerts de guitare classique, il semble inévitable que la guitare flamenco fasse ses début en solo dans les salles de concerts. De nombreux musiciens pensent que la guitare doit se limiter à un rôle d'accompagnement, ce qui retarde cet événement.
La guitare
S'il est une caractéristique qui se détache dans la guitare flamenca, c'est le compás, c'est-à-dire le tempo propre à chaque style. Sans le compás, le guitariste n'interpréterait que de la musique, pas du flamenco.
Antonio Cruz García – qui avait jusqu'alors consacré sa vie à chanter en second plan pour des danseurs tels que Antonio Ruiz Soler –, fonde, avec la Clef en main, une école qui perdure aujourd'hui. C'est l'aube d'une nouvelle génération de chanteurs engagés dans le maniérisme. On découvre El Lebrijano, Curro Malena, El Turronero, José Menese, Miguel Vargas, Diego Clavel, José de la Tomasa ou Calixto Sánchez, avec des artistes complémentaires à Cádiz et dans sa baie. Camarón, Juan Villar, Rancapino, mais aussi les vétérans Chano Lobato, José Mercé ou Carmen Linares s'illustrent. Le flamenco prend le chemin des festivals.
La guitare est la dernière composante acquise par le flamenco. L'une des premières références se trouve dans L'Explication de la guitare, œuvre publiée en 1773 par Juan Antonio de Vargas y Guzmán. À cette époque, on évoque l'existence de ce que l'on appellera plus tard des guitaristes por lo fino ("avec finesse").
Les premières approches des six cordes au flamenco arrivent avec des figures telles qu'El Murciano, Trinitario Huertas, Bernardo Troncoso, José Toboso et surtout Julián Arcas, originaire d'Almería, père d'une soleá qui porte son nom. Après cette première époque de guitaristes se situant encore entre le jeu por lo fino et por lo flamenco, apparaissent ceux de la fameuse École Éclectique, dans laquelle brillent le maître Patiño (Cádiz), Antonio Pérez et Paco el Barbero (Sevilla), et Paco de Lucena (Córdoba).
Les premiers spécialistes du jeu por lo flamenco surgissent, tels Juan Gandulla Habichuela (Cádiz), Javier Molina (Jerez) et Miguel Borrul père (Castellón). Mais le grand guitariste de la fin du XIXe et début XXe siècle est Ramón Montoya Salazar (Madrid, 1880-1948). Nous lui devons la création pour la guitare de la majorité des genres flamencos. Il est considéré comme le premier révolutionnaire de la technique et de l'harmonie. Il devint le premier concertiste flamenco. Une génération de guitaristes incomparables apparaît : Niño Ricardo, Manolo de Huelva, Perico el del Lunar, Melchor de Marchena et Diego del Gastor.
Le plus grand maître de tous les temps, Paco de Lucía, originaire d'Algésiras, leader indiscutable de la dernière génération de guitaristes, s'inspire de tous ceux-là. À ses côtés, il faut aussi citer Gerardo Nuñez, Manolo Sanlúcar et Víctor Monge Serranito, un triangle de guitaristes qui ont révolutionné le concept de la guitare flamenco en rencontrant, comme Paco de Lucía, d'autres musiques comme la brésilienne, le jazz, le rock...
Les nouvelles étoiles de la guitare comme Tomatito (Almería), Gerardo Núñez (Jerez), Juan Manuel Cañizares (Catalogne) ou le Cordouan Vicente Amigo, appartiennent indiscutablement à cette école.
Arrivent les années 50, avec l'Ópera flamenca en tant que fil conducteur du genre. L'art flamenco est connu dans la moitié du monde grâce aux "troupes", qui ont omis une certaine densité des chants afin de rendre leur compréhension plus facile pour tous les publics. Cependant, comme si elle était restée dans un état latent, une génération de chanteurs revendique sa place et continue à interpréter dans des noyaux plus réduits les styles traditionnels. Des figures telles que Juan Talega, Fernanda y Bernarda de Utrera, Fosforito, El Chocolate, Agujetas, Rafael Romero El Gallina et Antonio Mairena, entre autres, acquièrent une dimension particulière. C'est l'époques des tablaos (cabarets andalous). La maison de disques Hispavox édite la première Anthologie de l'art flamenco, dirigée par le guitariste originaire de Jerez Perico el del Lunar. La chaire de flamencologie de Jerez est créée en 1958. Apparaissent des cercles tels que la Platería de Grenade, Juan Breva à Málaga et Los Cernícalos à Jerez. Et, surtout, en 1956 a lieu à Cordoue le Premier Concours National d'Art Flamenco, que l'on doit au poète local Ricardo Molina et dont le gagnant est Antonio Fernández Díaz. Le flamenco entre dans les théâtres et les artistes enregistrent de vieux chants tombés en désuétude afin de perpétuer leur art.
C'est dans ce contexte que le flamenco subit à nouveau un brusque changement de cap. Après la mort de Manuel Vallejo en 1960, les organisateurs du concours de Cordoba décident de mettre à nouveau en question la Clef en Or du chant. Ainsi, la ville de la Mezquita accueille en 1962 un concours historique, avec dans son jury des personnalités telles que Ricardo Molina ou Juan Talega.
Le flamenco aujourd'hui
Dans les années 1950, on voit réapparaître un intérêt pour le véritable flamenco. À l'étranger, l'intérêt pour le flamenco continue à grandir. Les concerts solos voient leur popularité s'accroître d'une façon étonnante. On peut noter deux tendances : d'une part, on trouve les traditionalistes qui gardent des styles biens établis. D'autre part, on trouve une école moderne, formée d'artistes qui adoptent de nouveaux éléments afin de moderniser leur art sans en trahir l'essence (en s'inspirant du jazz et de la musique latino?américaine). Le flamenco est un art international, mais qui n'a pas perdu pour autant ses racines espagnoles. Son expansion n'est pas finie.
C'est à travers l'expression musicale de chaque artiste de flamenco que cet art parviendra à évoluer, dans une société où il est toujours impliqué. Qui mieux que les artistes eux-mêmes peut décider de l'avenir du flamenco ? C'est la preuve que le flamenco est un art vivant. Il suivra toujours l'Homme, quelle que soit son époque.
Le flamenco : une philosophie de vie
Au-delà de la musique, du chant et de la danse, le flamenco est aussi une attitude de vie, une philosophie. Être flamenco, c'est avoir le respect de certaines valeurs humaines et spirituelles. En 1979, Camarón de la Isla enregistre La légende du temps. Le futur du flamenco change de visage. Dans cette production de Ricardo Pachón, il y a de nombreux nouveaux éléments (interprètes, nouvelles voix, instrumentation...). Et, malgré tout, tout continue à être du flamenco. Cette production a reçu la Quatrième Clef en Or du Chant pour Camarón de la Isla, en raison de l'influence que celui-ci a exercé sur les jeunes flamencos.
Suite à cela, surgit le grand débat entre orthodoxes et hétérodoxes, un conflit qui met en évidence la vitalité d'un genre qui ne se résigne pas à stagner dans la répétition et qui essaie de s'ouvrir des chemins en s'exprimant dans de multiples formats. Actuellement, les deux tendances ont su trouver leur place, même si les disputes ne se sont pas terminées et ne se termineront pas, pour le bien d'un art qui, avec une longue histoire derrière lui, continue à trouver des raisons pour que le cycle ne se ferme pas.
Le flamenco est comme l'Andalousie même : une terre qui trouve sa raison d'être dans la diversité, un lieu où cohabitent de nombreux points de vue et où tous ses habitants sont conscients que cela les enrichit.
Rappelons que la classification pratique des formes du flamenco les sépare en trois groupes :
Cante jondo : siguiriyas, soleares, tientos, peteneras
Cante intermedio : bulerias, tango, malagueña, granadinas
Cante chico : garrotín, verdiales, alegrías, fandango, farruca, guajiras, sevillana, milongas
Aujourd'hui, cette classification n'a plus la même signification. Le caractère jondo (grave) ou chico (léger) est moins fonction du style de compás (soleá, bulería, tientos…) que de l'interprétation qu'en fait le chanteur. Par exemple, de nombreux chanteurs interprètent les fandangos libres, ou les bulerias, comme des cantes jondos.
Par ailleurs, on peut ajouter à cette liste d'autres styles plus folkloriques, plus modernes, ou certains styles hybrides :
Styles hybrides : soleá por bulería, jaleos, zambra, liviana, serrana…
Cantes del Levante : taranta, tarantos, minera, cartagenera…
Styles folkloriques : colombiana, garrotin, farruca…
Cantiñas : cantiña, romera, alegría…
Auxquels il faut encore ajouter les sous-catégories propres à certains styles. Il existe ainsi plusieurs variantes traditionnelles de soleares, bulerias, tangos, cantiñas, fandangos. Ce dernier est le style le plus riche en termes de sous-catégories : il existe quasiment un fandango par village et par interprète spécialiste des fandangos.
Ajoutons, pour être presque exhaustifs, que la toná, proche du martinete et qui s'interprète également sans guitare, constitue quasiment un style en soi.
Des chanteurs et guitaristes illustres du flamenco :
Chanteuses et Chanteurs
Antonio Chacon
Camarón de la Isla
Diego el Cigala
José Mercé
Duquende
Manuel Torre
Terremoto de Jerez
La Niña de los Peines
Porrinas de Badajoz
Pepe Marchena
Carmen Linares
Miguel Flores
Bernarda de Utrera
Fernanda de Utrera
Agujetas
Manolo Caracol
El Pele
El Chocolate
Antonio Mairena
Fosforito
Estrella Morente
Niña Pastori
Pepe Pinto
Antonio Molina
Juanito Valderrama
Carmen Amaya
Remedios Amaya
Guitaristes
Paco de Lucía
Melchor de Marchena
Niño Ricardo
Diego del Gastor
Sabicas
Tomatito
Pepe Habichuela
Juan Habichuela
Manolo Sanlúcar
Vicente Amigo
Pedro Bacan
Paco Cepero
Paco Pena
Ramón Montoya
Pedro Soler
Juan Martin
Présentation : Le flamenco représente à lui seul un genre musical très varié, mêlant plusieurs origines et illustré par des centaines de tendances. Chacune d'entre elles possède une atmosphère propre et beaucoup sont des variantes régionales d'Espagne. Bien que largement ouverts au renouveau et à la créativité, les genres du flamenco sont gouvernés par des règles aussi strictes que celles de la composition classique. Cet art du peuple est modelé par la joie et la souffrance. Le flamenco est constamment influencé et modifié par le contexte social dans lequel il trouve ses racines.
Informations pratiques : Cette exposition compte 13 panneaux (dont un panneau d'ouverture), qui feront découvrir au visiteur le flamenco, son histoire, ses racines et ses artistes, à travers des textes complets, synthétiques et richement illustrés. Les panneaux sont rigides et légers, avec crochets, et mesurent 60 x 105 cm.
Questions et réservation : Contactez-nous pour tout renseignement complémentaire et cliquez sur le bouton ci-dessous pour réserver l'exposition !
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